L’aqueduc romain à Saint-Joseph


Il suffit de revenir cinquante ans en arrière pour se souvenir des difficultés de distribution de l’eau courante. Au tout début des années 1960, en dehors des habitants du quartier de Combeplaine, pratiquement tous les autres habitants de la commune ne devaient l’approvisionnement en eau qu’à leurs puits, même si au coeur de l’été leur niveau parfois baissait de manière inquiétante. En 1964-5, enfin, le réseau alimenta le bourg et quelques hameaux avant de s’étendre à l’ensemble des hameaux.

Et pourtant… Il y a presque 2 000 ans, une conduite d’eau traversait ce qui est maintenant le territoire communal. Et quelle conduite ! Imaginez un tuyau d’une section de 60 cm sur 1,30 m dans lequel l’eau potable s’écoulait tranquillement tous les jours de l’année.

On ne sait pas combien, au IIe et IIIe siècle de notre ère, le territoire abritait d’habitations. A l’époque gallo-romaine, puisque c’est ainsi que les historiens la dénomment, existait un habitat aussi bien dans le quartier actuel de Combeplaine qu’au hameau des Granges. Mais leurs occupants ne pouvaient compter sur la conduite évoquée un peu plus haut pour s’approvisionner en eau. Qu’était donc cette conduite et à quoi servait-elle donc ?

Il s’agissait de l’aqueduc romain du Gier, le quatrième qui alimentait la cité romaine de Lugdunum (l’ancien Lyon) qui occupait le site actuel de Fourvière. La rivière du Gier était captée à Saint-Chamond et par cet aqueduc l’eau parcourait environ 86 km pour se déverser dans de grands réservoirs à Fourvière d’où l’eau desservait des fontaines publiques, des bains et les demeures des plus riches.

Ce tuyau était construit par les maçons de l’époque qui utilisaient pierre et ciment. Les piédroits (côtés) s’élevaient à 1,30 m écartés de près de 60 cm et se terminaient par une voûte en plein cintre à 1, 60 m du bas. Le radier et les piédroits étaient revêtus d’un enduit de 2 à 3 cm d’épaisseur (le tuileau) qui imperméabilisait les parois. De couleur rose, celui-ci était constitué de sable, de chaux et de briques pilées.

L’aqueduc suivait fréquemment les courbes de niveau pour ménager une pente moyenne d’un mètre par kilomètre. Il conduisit ainsi l’eau du Gier de sa prise à 405 m d’altitude jusqu’à son arrivée à Fourvière à 300 m d’altitude.

On estime que 15 000 m3 d’eau transitaient journellement dans ce conduit. Enterré dans une tranchée de 2 à 3 mètres de profondeur, en général, il était ainsi protégé de toute tentative de destruction. Il ne devenait aérien que lors du franchissement de vallées et vallons. Et là il exhibait un parement esthétique constitué de pierres taillées en losange.
Un exemple impressionnant du franchissement de vallée subsistait à Génilac. Si le pont aqueduc qui enjambait la Durèze a disparu (il ne reste que quelques piliers), le réservoir de chasse trône sur la pente. Il montre les orifices par où les tuyaux de plomb conduisaient l’eau de l’aqueduc dans ce siphon, seul moyen de gravir la pente du côté du bourg de Génilac.

On connaissait depuis longtemps l’existence de l’aqueduc à Saint Joseph par un puits au Monteiller. En fait, il s’agissait d’un regard permettant l’accès à l’aqueduc situé, à cet endroit, à quelques huit mètres de profondeur (n° 3 sur le plan).

Et depuis plus longtemps encore un pont était visible sur le Grand Bozançon, en aval du point de franchissement de la rivière par la route, sur le territoire de Saint-Didier-sous-Riverie, mais dans les broussailles, sur la rive droite de la rivière, donc sur notre commune, on distingue toujours la culée amont de ce pont (n° 6 sur le plan).
Les chasseurs et les promeneurs qui visitaient, sous le cimetière, le vallon de Vaille et le bois qui s’étale sur ses pentes avaient remarqué des effondrements de la voûte de la conduite mettant à jour la partie supérieure de l’aqueduc (n° 2 sur le plan).

Depuis quelques années, à la faveur de travaux divers,tantôt la pelleteuse, tantôt le tracteur, aidés par le hasard, déterrèrent l’aqueduc ici ou là. A la fin des années 1960, en creusant une cave dans le hameau de La Combe, on tomba sur l’aqueduc que les propriétaires eurent le bon réflexe de laisser en l’état (n° 5 sur le plan).

Plus tard, lors du démarrage du lotissement Le Monteiller, la pelleteuse entrouvrit le canal de l’aqueduc. Après avoir fait les relevés topographiques, on le recouvrit pour laisser la place aux maçons.
En septembre 1996, au lieu-dit Le Rieu, (n° 1 sur le plan) on découvrit un autre regard de l’aqueduc et au fond de celui-ci, cassée en plusieurs morceaux, une pierre gravée qui comportait les mêmes inscriptions que la Pierre de Chagnon. On peut observer un moulage de cette Pierre du Rieu devant la Mairie, côté stade. Découverte exceptionnelle parce qu’on ne connaissait qu’un seul exemplaire d’une telle inscription depuis celle de Chagnon dont la connaissance remontait à 1887. Que disait ce texte ? « par l’autorité de l’empereur César Trajan Hadrien, à personne n’est donné le droit de labourer, de semer ou de planter dans cet espace de terrain qui est destiné à la protection de l’aqueduc. »

Il y a quelques années, avant que le chantier du lotissement des Varennes ne démarre, des fouilles conservatoires eurent lieu et permirent de dresser un état très précis du tracé de l’aqueduc que les archéologues détectèrent dans ce périmètre. Par la suite, les travaux de construction laissèrent la conduite romaine reposer en paix sous quelques centimètres de terre.

Enfin, tout récemment, Georges Bonnand, en labourant une terre sous Chagneux, (n° 4 sur le plan) accrocha une des pierres de la voûte de l’aqueduc ce qui ouvrit ainsi un accès au conduit. Les archéologues prévenus explorèrent la canalisation dans les deux sens jusqu’à ce qu’un effondrement ancien de la voûte interrompe leur progression. Ils effectuèrent des relevés pour assurer une géolocalisation précise.

D’autres traces de l’aqueduc sur le territoire communal existent bien sûr.

On peut maintenant dresser une carte du tracé de l’aqueduc romain dans notre commune le plus près possible de la réalité. En attendant que de nouvelles découvertes ne l’affinent par un déplacement latéral de quelques mètres ici ou là.
 
Joseph Colomb
article paru dans Saint-Jo Info, n°67, en janvier 2013
 
D’autres articles ont paru, notamment la découverte de la « Pierre de Saint-Joseph » dont un fac-similé se trouve près de la mairie, bulletin municipal n° 34, janvier 1997, page 24, ainsi que des fouilles archéologiques au lotissement des Varennes, bulletin municipal n° 57, septembre 2008, page 12.

Contact


Association L’ARAIRE
1 passage de l’Araire
69510 MESSIMY
Courriel :
laraire@wanadoo.fr
Internet :
http://www.araire.org
http://www.archeolyon.com

En savoir plus


L’association a publié deux livres :
“L’aqueduc romain du Gier en cartes postales et vues anciennes” et la réédition du livre de Jean Burdy sur “Les aqueducs romains de Lyon”.
 
Sur internet aux adresses indiquées ci-dessous, on peut examiner deux cartes du tracé de l’aqueduc romain dans notre commune (tracé dû aux travaux des membres de l’Araire) :
 
http://archeolyon.araire.org/AqueducsLyon/Gier/GcarteL.html
 
http://archeolyon.araire.org/AqueducsLyon/Gier/GcarteM.html
 
On peut également consulter l’étude de Jean-Claude Litaudon, autre spécialiste de l’aqueduc à l’adresse suivante :
http://persocite.francite.com/gieraqueduc/

Illustrations


coupe du canal.jpg
aqueduc souterrain sous Chagneux.JPG
St Jo tracé aqueduc.jpg